mardi 11 mars 2008

Identification des abonnés téléphoniques en RDC, késako ?

Ô merveille ! Le gouvernement congolais semble se réveiller de son profond sommeil cataleptique. Tant bien que mal, le voilà qui reprend ses facultés motrices en prenant une décision choc : régulariser le secteur des télécommunications en procédant à l'identification systématique des abonnés. Le si attentionné ministre de l'intérieur exige que cette opération s'accomplisse au plus tard jusqu'en juin. Mieux : tous ceux qui ne se seront pas fait identifier avant ce délai butoir trouveront leur SIM bloquée par l'opérateur ! On nous raconte que ça se passe comme ça partout sur la planète et que la RDC ne peut faire exception. Telle est la mesure prise par nos politiciens dans sa beauté toute théorique...

Une telle décision précipitée, loin d'être mue pour l'intérêt de la Nation, a en réalité vu le jour suite aux appels et SMS anonymes, injurieux et menaçants adressés au chef de l'État et à d'autres hautes personnalités de ce trou. Et cette décision n'est pas sans poser quelques sérieux problèmes, non seulement dans son applicabilité, mais surtout en droit.

  1. Entorses à la faisabilité de cette lubie gouvernementale

Quand on sait qu'au bas mot, il est au total 8 millions d'abonnés en RDC, tous réseaux confondus, il est extrêmement aventureux de croire qu'en 90 jours, lesdits abonnés se feront identifier. Et ce, même si on suppose que tous auront la bonne volonté de s'enregistrer. En effet, cela présume qu'environ 90 000 possesseurs de cartes SIM seront quotidiennement inscrits dans les annuaires des sociétés des télécommunications ! Même aux États-Unis, réussir une opération d'une telle envergure relève de l'exploit olympique...

Un autre problème est la manière dont se déroulera cette identification. Faudra-t-il présenter sa carte d'électeur ? Si on l'a égarée ou si on n'a jamais eue (les têtus et les moins de 18 ans en 2005 étaient fort nombreux...), ont fait quoi ? Les compagnies de télécommunications vont-elles se fonder sur les renseignements oraux des abonnés qui ne sont guère parole d'évangile ?

Malgré ces épineuses questions restées sans réponse jusqu'à ce jour, notre gouvernement éclairé se fait pressant : quiconque ne se fera pas identifier dans les trois mois verra sa SIM désactivée ! Ça fout les jetons... Non seulement pour les inconditionnels du portable, mais surtout pour Celtel, Vodacom et autres Tigo, qui risquent fort de voir leurs chances de garder leurs abonnés se rétrécir comme peau de chagrin. Je parie qu'en ce moment, plusieurs patrons de ces compagnies passent des nuits soit blanches, soit peuplées de cauchemars quasi-psychédéliques.

  1. Là où ça cloche en droit

Sous d'autres cieux moins broussailleux, l'identification des abonnés téléphoniques est quasi-obligatoire. Pour une raison fondée : apporter de l'assistance aux abonnés en cas de perte ou de vol d'appareil ou encore porter secours en cas de pépin du genre accident ou cambriolage. Il arrive certes que telle ou telle personne soit mise sous écoute durant un temps, mais pareille extrémité ne s'opère que dans les strictes limites de la loi. Autrement, la personne sous écoute a le droit de porter plainte contre l'État et/ou contre l'autorité ayant procédé à ladite écoute.

Qu'en est-il du bled Congo ?

Le ministre de l'intérieur a été formel : l'identification est imposée en vue de savoir qui envoie des SMS terrifiants ou émet des appels inquiétants. Bref, de manière on ne peut mieux limpide, le gouvernement nous dit tout haut que nos appels et nos messages seront passés au peigne fin. Pas comme dans « Ennemi d'État » de Will Smith, mais quand même d'une certaine façon, vu que les compagnies des télécommunications disposent des moyens nécessaires quant à la réalisation de ce plan nébuleux.

Et c'est là tout le problème. En effet, cette décision ministérielle, selon toute vraisemblance, viole l'article 31 la constitution qui dispose que tout citoyen congolais a droit au secret des communications, quels qu'en soient les moyens. Seule une loi peut lui retirer temporairement ce droit et ce, après observation de certains préalables et procédures nettement explicités dans ladite loi. Que je sache (et je ne crois pas me gourer), aucune loi en RDC ne gère les filatures d'appel ou les mises sur écoute ! Ne me chantez pas que le ministre de l'intérieur agit par arrêté. Je vous répondrai qu'un arrêté n'est pas une loi !

Par conséquent, la décision du ministre de l'intérieur a toutes les chances d'être anticonstitutionnelle en plus de sentir l'impopularité à plein nez.

Dossier à suivre donc !...

mardi 4 mars 2008

Les cinq chantiers quinze mois plus tard

Les cinq chantiers quinze mois plus tard

Je propose au Licencié en Théologie le sujet suivant, qu'il peut traiter à sa guise : « Des antichambres de l'Enfer dans ce monde. Cas de la RDC ». En effet, à la manière du lac Averne en Italie qui passait à l'Antiquité pour un passage de choix vers l'Hadès, il y a de quoi se poser des questions sur le patelin Congo. Le centre de l'Afrique ressemble à un QG d'une base ésotérique dont les généraux sont des entités démoniaques et les lieutenants les gens pouvoir. Bien entendu, la soldatesque est formée du citoyen lambda qui obéit mécaniquement à quelques plans mystiques dont la teneur n'est connue que de certains initiés.

Cette vision catastrophico-défaitiste traduit presque à la perfection le climat qui sévit dans le bled Congo. Un slogan martelé à longueur de journée et de soirée, objet de tout un beau site Internet, hante les ondes radiophoniques et télévisuelles : les cinq chantiers. Paraît que c'est l'idée au chef de l'État... ça fait depuis la campagne présidentielle que Jojo nous promet une vie de rêve et ce, en seulement cinq ans de réalisation ! Nous voilà à un an et trois mois de règne et les choses n'ont pas bougé d'un iota en positif. En revanche, quand on examine ce qui a changé en négatif, il y a vraiment du remue-ménage, un peu comme... dans un chantier ! Sauf que dans le purin congolais, l'heure n'est pas à la construction mais plutôt à une démolition à l'échelle nationale. Tenez :

Chantier numéro un : infrastructures

Ici, le chef de l'État a été malin : il a limité incroyablement la notion d'infrastructures en n'y incluant que les routes, les ponts et les rails, excluant de facto la réhabilitation des bâtiments et des équipements de base de l'Administration publique (hormis du secteur de l'enseignement et de la santé, comme on va le voir). Soit...

Je serais curieux de savoir quels rails l'État fictif congolais a réhabilités ou posés. Par ailleurs, je me demande bien quel pont ou route d'importance nationale a vu le jour. J'admets sans problème qu'on entretient en ce moment certaines « nationales ». À pas de tortue, il est vrai, mais c'est mieux que rien... Je crie cependant tout haut que la dégradation du secteur routier prend une ampleur jamais vue dans le patelin. Les denrées alimentaires se putréfient là où même elles sont produites et les hommes moisissent comme de vieux croûtons de pain abandonnés au fin fond d'un placard humide. À défaut de posséder des ailes comme un oiseau ou de voler sans ailes comme Superman ou comme le sorcier en chef de mon quartier, seuls les avions assurent encore le transport de marchandises et des personnes entre points éloignés de la RDC. Les rares baleinières privées ou celles de l'ONATRA essaient également de tourner tant bien que mal, mais apparemment, les airs et les eaux ne sont pas trop des prérogatives du premier chantier... Ainsi si un Antonov de l'époque de Moïse tombe à pic et prend feu ou si quelque bateau spongieux coule comme une pierre, c'est pas grave : ça fait pas partie des priorités du chef de l'État !

Quant à la grève des camionneurs et des taximen qui frappe de plein fouet Kinshasa et certaines autres villes du coin, je doute que le gouvernement en tienne sérieusement compte, du moment que le transport en commun et les hydrocarbures échappent superbement la définition restrictive du mot « infrastructures » telle que donnée par le chef de l'État.

Chantier numéro deux : emplois

Les choses n'on pas tellement changé en ce qui concerne les recrutements. Vous pouvez déposer de tonnes de lettres de demande d'emploi, si vous n'êtes pas protégé de la « pluie » du non-emploi par quelque « parapluie », le sort de vos demandes devient plus qu'incertain. Et une fois dans la boîte à votre oncle, n'espérez pas avoir une promo selon les règles de l'art. Il est de fortes chances que vous soyez soumis à des conditions qui ne manqueront pas d'ébranler vos principes chrétiens les plus fondamentaux. Au choix où à tour de rôle, il vous sera proposé toute une gamme de pratiques soit ténébreuses soit sexuelles à observer.

Par ailleurs, une fois devenu fonctionnaire ou confirmé dans une société privée, le salaire que vous percerez dénotera une exploitation outrancière de l'homme par l'homme. Que ce salaire soit scandaleusement bas ou qu'il donne des apparences de bien-être, il ne sera que très rarement le fruit mérité des efforts que vous aurez eu à fournir.

Les chômeurs ne cessent de s'amonceler et je peine à voir une once de réalisation de ce deuxième chantier. État créateur d'emplois ? Mon cul, ouais !

Chantier numéro trois : éducation

Lorsqu'on s'aperçoit de l'infime portion du budget (déjà en lui-même lilliputien) allouée à l'enseignement et à la recherche, on peut légitimement se demander si la présidence de la RDC faisait une boutade ou prend véritablement ses concitoyens pour des crétins, en érigeant en « chantier » ces secteurs cruciaux du développement. À juste titre, les profs du secondaire réclament le respect du fameux barème mbudique ; ceux des universités et instituts supérieurs désirent encore plus : obtenir un salaire proche de celui du Député National, entendez par là environ 4 000 $ ! Réaliser pareil exploit (car c'en est un pour notre Gouvernement aboulique) n'est pas à l'ordre du jour. Vu les frais disponibles, autant résoudre la quadrature du cercle ou prouver que la Terre est plate avec un centre creux !

Au demeurant, soyez surs de ceci, chers internautes : durant ce mandat de calvaire de cinq ans, les grèves des enseignants seront aussi communes que les coupures d'électricité dans la capitale de ce trou à vipères qu'est le Congo Démo(n)cratique. Et tout justement, parlons-en, des privations de courant et d'eau...

Chantier numéro quatre : eau et électricité

Mopreso de la République devrait la fermer quant à ce point. On a l'impression que depuis qu'il a osé évoquer l'eau et la fée électrique, la dégénérescence de ces besoins vitaux s'est accélérée à un rythme démentiel. La REGIDESO, ce vampire, tente de maintenir la fourniture en eau dans les conditions médiocres que vous savez. Elle prétend que cela est dû au manque de moyens lui donnés par le presque État congolais. Nous lui accordons ce mensonge, car il n'est pas trop gros et on n'est que trop habituée à la non-vérité dans ce patelin de timbrés.

Mais quand c'est le zombie SNEL qui nous narre sans sourciller que les thunes lui manquent, ça, on ne peut accepter ! Qui donc baise-t-on dans ce bled de cancres ? Où s'éclipse l'argent des factures nationales et internationales ? Qui a détourné plus de 30 millions de dollars ? Kin-la-Poubelle connaît des délestages quasi-quotidiens. Inga, semble-t-il, s'essouffle. Outre les rares turbines fonctionnelles posant problème, certains transformateurs et lignes à haute tension sont dans un état fort inquiétant qui n'augure rien de plaisant. La coupure électrique spectaculaire d'il y a trois semaines, un certain jeudi, n'est peut-être pas la dernière. Et ses séquelles perdurent, vu que depuis ce malheureux incident, plusieurs quartiers de la ville sont victimes d'un courant plus que parcimonieux.

Je passe sous silence les prouesses géniales de la SNEL à l'intérieur du bled congolais. Où les seuls effets visibles de l'énergie électrique que les habitants ont déjà vus et sentis sont la foudre et, parfois, le son sortant des baffles d'une radio à piles. Ceux qui profitent de cette sinistre situation, hormis les voleurs connus du patelin fièrement représentés au Parlement et au Gouvernement, sont les vendeurs de pétrole et de groupes électrogènes…

Chantier numéro cinq : La santé

Il ne suffit guère de réhabiliter ou de construire deux ou trois dispensaires pour prétendre réaliser un objectif national. Même si on aime à dire que les petits ruisseaux font des grandes rivières, je trouve honteux qu'il se balance, au journal de 20 h, à RTNC, toutes infimes réalisations gouvernementales. Offrir un lot de seringues ou de compresses à un centre hospitalier en pleine brousse du Maniema n'est pas une affaire d'État à diffuser à la Chaîne Nationale, captée dans tous les pays limitrophes grâce au satellite.

Et ne me parlez surtout pas de l'hôpital DIKEMBE MUTOMBO qui, comme son nom le laisse deviner, était construit aux frais du basketteur, le soi-disant État congolais n'ayant contribué qu'en termes d'autorisation...

Par ailleurs, les incessantes grèves au sein du corps médical ne sont pas le produit des combinaisons aléatoires, mais bien le résultat d'une grogne sociale. Entre-temps, grippe, choléra, malaria et autre typhoïde charmante ruinent de plus belle le quotidien de ce patelin. Les cimetières eux-mêmes sont prêts à faire grève, tellement ils en ont marre d'accueillir des corps six pieds sous terre.

Là encore, Jojo nous mène en bateau et se fout de nous comme de son premier slip.

Quid de la sécurité et de la justice ?

Il s'avère extrêmement surprenant que l'Armée, pourtant un créneau phare dans la bonne marche des institutions, ait été écartée des chantiers du chef de l'État. Vraisemblablement pour le Gouvernement, les troubles à l'Est ne sont pas une priorité. Il en est de même de la spoliation de vastes pans de terre à Kahemba par les troupes angolaises : ce sont de faits tout à fait normaux dont nul ne peut s'émouvoir outre mesure... pareil pour les tueries scabreuses au Bas-Congo : ça compte pour du beurre.

Concernant la justice de cette république arboricole, du moment qu'elle est absente, Jojo et son équipe ont jugé bon de ne pas trop s'y attarder. Cependant, juste dans un but purement distractif, il a viré les hauts magistrats d'une manière anticonstitutionnelle dont je parlerai un de ces quatre, si Dieu me prête vie. C'est bien que des gars corrompus jusqu'au trognon comme le PGR soit mis à la retraite (il méritait pire que ça, et de loin). Mais alors les nouveaux installés ? Ne seront-ils pas à la solde du régime en place qui les a nommés et à qui ils doivent tout ? Affaire à suivre…